Dans le monde du théâtre, les superstitions sont omniprésentes. L'une des plus connues concerne un mot en particulier que l’on évite soigneusement de prononcer : "corde". Mais pourquoi ce terme spécifique est-il entouré de tant d’interdits ? Derrière cette simple superstition se cache une riche histoire qui remonte au XVIIIe siècle. Nous vous proposons de découvrir l'origine de cette croyance, ainsi que son lien particulier avec les marins.
Les superstitions au théâtre :
un héritage vivant
Les superstitions ont de tout temps fait partie intégrante de la culture théâtrale. Pourquoi ? Le théâtre est rempli d'incertitudes. Chaque représentation en direct présente des risques : un acteur peut oublier son texte, une scène peut mal se dérouler, la technique peut faillir. Face à cette imprévisibilité, les superstitions jouent un rôle psychologique apaisant. En respectant certaines croyances, on cherche en quelque sorte à maîtriser l’incontrôlable, à se rassurer. Ainsi, éviter certains mots ou gestes symboliques devient une manière de conjurer le mauvais sort.
La superstition qui entoure l'utilisation du mot "corde" fait partie de ces traditions anciennes que les comédiens continuent de respecter.
La superstition du mot "corde" dans le théâtre
Lorsque l’on parle de "corde" au théâtre, il est interdit de prononcer ce mot sur scène. Cette pratique est bien ancrée et se transmet de génération en génération de comédiens et de techniciens. Le tabou est si grand que les professionnels du théâtre préfèrent utiliser des euphémismes comme « lien » ou « ficelle » au lieu du terme interdit.
L’origine de la superstition
Cette peur de la "corde" trouve son origine non dans le monde du théâtre, mais dans celui de la mer. À la fin du XVIIIe siècle, les théâtres se modernisent et les décors deviennent de plus en plus sophistiqués. On fait alors appel à des machinistes capables de gérer les décors volumineux, les toiles de fond suspendues et les accessoires lourds. Ce métier est alors souvent confié à des anciens marins en raison de leurs connaissances des cordages et des nœuds.
Or, à bord des navires, le mot "corde" portait malheur. Il était associé à la pendaison, une mort souvent redoutée. Sur les bateaux, il n’y avait qu’une seule corde, celle du pendu, tout le reste était appelé "bout". Par souci de superstition et de respect, les marins ont donc apporté cette croyance en rejoignant les coulisses des théâtres.
L’évolution des théâtres au XVIIIe siècle
Au XVIIIe siècle, le théâtre connaît une véritable transformation. L'architecture devient plus élaborée, les technologies progressent, et la mise en scène gagne en ambition. Les spectacles deviennent plus grandioses, avec des décors amovibles, des effets spéciaux et des changements de scène rapides. Ces nouvelles exigences techniques ont entraîné la création d’une nouvelle fonction essentielle : celle de machiniste de théâtre.
La naissance des machinistes de théâtre
Les machinistes, des techniciens incontournables, doivent maîtriser l’art de la manipulation des cordes, des poulies et des structures lourdes. Leur rôle est crucial dans la mise en scène : ils s’assurent que les décors bougent de manière fluide, que les toiles de fond se lèvent et se baissent au bon moment et que les éléments scénographiques soient prêts selon les besoins de la scène.
Avec les progrès du cinéma et de la mise en scène, on pourrait penser que certaines de ces techniques appartenent au passé. Pourtant, la connaissance des systèmes de cordes et de poulies reste essentielle dans de nombreux théâtres contemporains.
Le lien entre les marins et les machinistes de théâtre
Les marins étaient les mieux placés pour occuper ces postes : habitués à manier des cordages en haute mer, ils étaient capables de gérer des toiles de scène avec la même dextérité. Ils ont ainsi fait la transition du pont d’un navire aux coulisses des théâtres. Grâce à leur savoir-faire du nœud marin, ils pouvaient installer les décors ou les faire disparaître de manière quasi invisible pour le public.
Les superstitions des marins et leur influence sur le théâtre
Le monde maritime, tout comme celui du théâtre, est rempli de traditions et de superstitions. L’une des plus fortes chez les marins concernait la "corde". À bord, prononcer ce mot équivalait à évoquer la pendaison, une mort douloureuse et humiliante. Cette peur s’est transférée dans l’univers du théâtre avec les machinistes marins qui, naturellement, ont apporté leur culture au cœur des coulisses.
Le mot "corde" : synonyme de mort en mer
Pour les marins, la corde était un terme à éviter. Une seule corde était présente à bord : celle du pendu. Autrement, on utilisait le terme "bout" pour désigner toutes les autres cordages. Ce symbole de mort et de désespoir a traversé les océans et s’est injecté dans les pratiques superstitieuses du théâtre.
Au fil du temps, cette croyance a pris racine dans le monde théâtral et, encore aujourd’hui, le mot "corde" reste chargé de sens pour les machinistes et les acteurs.
L’adoption des superstitions maritimes par le théâtre
Les machinistes marins ont donc importé cette aversion pour la "corde" dans le théâtre. Progressivement, cette superstition s’est généralisée. Tout le personnel des théâtres — que ce soit les machinistes, les metteurs en scène, ou même les comédiens — a adopté cette pratique, renforçant ainsi la présence de cette croyance dans le milieu.
L’on peut observer cette interaction entre deux mondes, celui de la mer et celui de la scène, comme un exemple de la transmission culturelle de croyances et de traditions.
La place des superstitions dans le monde du théâtre d'aujourd'hui
Aujourd’hui encore, la superstition du mot "corde" persiste dans de nombreux théâtres. Même si certains professionnels du cinéma ou de la scène ne croient plus en ces vieilles croyances, ils les respectent malgré tout. D’autres, au contraire, les défient en les tournant en dérision, mais toujours prudemment. Il convient de se demander pourquoi cette superstition a traversé les âges.
Le respect de la superstition autour du mot "corde" crée aussi un lien tangible entre les générations de professionnels du théâtre. Ces traditions forment un héritage commun qui renforce le sentiment d’appartenance à une communauté.
À la croisée des superstitions théâtrales et maritimes
La croyance autour du mot "corde" ne constitue qu'un exemple parmi d'autres des superstitions qui jalonnent le monde du théâtre. D'autres cultures théâtrales dans le monde, en Europe, en Asie, ou encore en Amérique, possèdent leurs propres tabous et superstitions. Certaines interdictions sont aussi célèbres que le fait de ne pas prononcer le nom "Macbeth" dans un théâtre — un autre grand classique des superstitions de scène.
Finalement, ces superstitions ont toutes un point commun : elles reflètent l’histoire, la culture et les peurs d'une époque donnée tout en nourrissant la cohésion des troupes, parfois jusqu'à notre époque ultra-moderne et technologique.
Conclusion
Si vous assistez à un spectacle dans un théâtre, prenez garde à ce que vous dites en coulisses ! L'interdiction de prononcer le mot "corde" révèle une tradition fascinante qui trouve son origine dans le passé marin des machinistes de théâtre. Riches de leur histoire, les théâtres continuent d'honorer ces rituels, témoignant de l’influence durable des croyances d’autrefois. Ces superstitions, qu’elles soient respectées ou remises en question, ajoutent une profondeur mythique à l'art du théâtre. Elles nous rappellent combien, dans un monde de fiction et d’apparences, les traditions ancrées dans la réalité protègent encore ces espaces de création et de rêve.
CETTE brève vous est présentée par Florence MEZARD
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